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Amélie Laguzet milite depuis une quinzaine d’années pour offrir des espaces de dialogue et d’écoute aux femmes handicapées surexposées aux violences, notamment sexuelles. Elle figure parmi les intervenantes des Assises Européennes de lutte contre les violences faites aux femmes.
"La question de la violence s’impose dès que vous entrez dans le monde du handicap", constate Amélie Laguzet. Cheveux courts et tatouage discret à l’échancrure de son pull, la quarantenaire parle de l’accident qui a bouleversé sa vie, dit la difficulté d’accéder à l’estime de soi quand toute la société renvoie l’image d’un corps hors norme. Tétraplégique depuis l’âge de 16 ans, elle milite pour que les femmes en situation de handicap puissent avoir accès à des espaces de parole afin, notamment, de dénoncer les violences qu’elles subissent.
C’est la parentalité qui initie son parcours militant il y a une quinzaine d’années. Devenue mère, elle avance dans l’inconnu et cherche des modèles auxquels se référer, en vain. Elle décide donc de créer l’association A corps de soi, pour offrir un espace d’échange, d’écoute et, insiste-t-elle, "redonner confiance" aux femmes en situation de handicap. "En fait, il n’y a pas d’ordinaire dans le handicap, rien que le fait d’accompagner mes enfants à l’école, d’avoir un compagnon, est considéré comme extraordinaire, alors que c’est juste la vie normale. On nous considère comme des héros et des héroïnes pendant les Jeux paralympiques et le reste du temps on a droit à un traitement misérabiliste, on nous considère comme des petites choses vulnérables." Elle en est persuadée, l’image que la société a des femmes handicapées induit les comportements dont elles sont victimes.
Ces dernières sont en effet surexposées aux violences, notamment sexuelles. 16% des femmes handicapées ont déjà subi un viol (Ifop, 2022), contre 9% de l’ensemble des femmes ; 88% des femmes présentant des troubles du spectre autistique ont été agressées sexuellement, selon l’Association de femmes autistes. "On ne nous considère pas comme des épouses ou des mères potentielles ni comme des partenaires sexuelles, et pour autant nous sommes « agressables » et victimes de violence", dénonce Amélie Laguzet. Les agressions ont lieu dans la sphère familiale et dans les institutions "où les personnes en situation de handicap sont cantonnées à défaut de faire partie de l’espace public".
Remettre le consentement au centre
Afin de limiter l’exposition aux violences, Amélie Laguzet plaide pour sortir les personnes en situation de handicap des institutions et pour qu’un maximum d’entre elles puissent vivre chez elles. "Cela demande des moyens financiers, une auxiliaire de vie à domicile a un coût. Mais, en réalité, c’est moins cher qu’une institution", assure-t-elle. Surtout, elle milite pour que la parole des personnes concernées soit entendue. "À chaque fois que c’est possible, il faut demander à la personne ce qu’elle veut vraiment, encore plus quand cela concerne sa vie intime ou sa sexualité." Respecter le consentement, donc.
La formation du personnel médico-social et des soignants est, selon elle, un autre levier essentiel. "J’ai été mariée pendant quinze ans, et je n’ai jamais été en consultation médicale sans mon mari. Cela rassurait les soignants car il savait comment me déshabiller, me déplacer, etc., mais si j’avais été victime de violences de sa part, je n’aurais pu en faire part à aucun moment", regrette-t-elle.
Amélie Laguzet est aujourd’hui ambassadrice du centre de ressources Intimagir Grand Est et participe notamment à la formation des sages-femmes dans le cadre du dispositif Handygynéco, porté par l’Agence régionale de santé. "Pour les femmes handicapées, une consultation gynécologique est une épreuve en soi. Certaines n’ont jamais eu de relations sexuelles, et ne savent pas à quoi leur corps ressemble car elles ne se sont jamais lavées ou habillées seules. Elles subissent parfois des gestes et des phrases hallucinantes", dénonce-t-elle. Informer les professions médicales, préparer les consultations en amont, leur permettre d’identifier les bons interlocuteurs en cas de suspicion de violences, c’est tout l’enjeu de ses interventions.
Obtenir la parole
Au-delà du corps médical, c’est le regard de toute une société qu’il s’agit de faire évoluer. Sollicitée pour participer aux Assises européennes de lutte contre les violences faites aux femmes organisées par la Ville de Strasbourg et les associations féministes les 29 et 30 novembre, Amélie Laguzet se réjouit que la parole soit donnée aux femmes en situation de handicap "C’est assez nouveau. Avant, quelqu'un parlait toujours à notre place : dès qu’il s’agissait de handicap, on donnait la parole à des professionnels de santé, à des juristes. Désormais les personnes concernées prennent la parole."
Si vous êtes victime ou témoin de violence sur une personne en situation de handicap, vous pouvez appeler le 06 80 75 85 05 ou vous rendre sur le site https://crhvas-grandest.fr/
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