Sécuriser la migration nuptiale des batraciens

Chaque année, seaux et filets sont déployés dans la réserve naturelle du Neuhof-Illkirch/ Graffenstaden par la Ville et la LPO pour éviter aux grenouilles et crapauds de se faire écraser lors de leur déplacement.

Sur la route de l’Oberjaegerhof, en ce mardi de janvier, le calme de la forêt est rompu de temps à autre par le passage de quelques voitures. Un faible trafic qui n’en a pas moins des conséquences dévastatrices. "60 voitures par heure suffisent à détruire 90% de la population des batraciens", alerte Pierre Buchert, bénévole pour la Ligue de protection des oiseaux (LPO). 
Et pour cause, cette route qui traverse la réserve naturelle du Neuhof-Illkirch/Graffenstaden, se trouve sur le trajet emprunté par les grenouilles et crapauds au moment de leur migration nuptiale. "Contrairement aux idées reçues, les batraciens ne vivent pas dans l’eau, explique Pierre Buchert. Ils évoluent dans les forêts humides et rejoignent les mares pour se reproduire."

300 mètres de filets

Une fois par an, de la fin du mois de janvier jusqu’au mois d’avril, les amphibiens de la forêt entament donc leur migration, à raison de 400 mètres par nuit, vers les mares situées de l’autre côté de la route. "On a là un exemple très concret des origines de l’effondrement de la biodiversité : la perturbation et la destruction par l’espèce humaine de l’habitat des espèces animales", constate Marc Hoffsess, adjoint à la maire chargé de la transformation écologique du territoire. 

 

Pour protéger les batraciens et assurer leur reproduction, les agents de la Ville installent chaque année 300 mètres de filets, le long desquels des seaux sont enterrés pour recueillir les batraciens. Ils sont ensuite acheminés, en toute sécurité, jusqu’à la mare par une équipe de 21 bénévoles de la LPO. "Le classement de la forêt en réserve naturelle nous impose, ici encore plus qu’ailleurs, une grande responsabilité", complète Anne Villaumé, conservatrice de la réserve. Une responsabilité d’autant plus importante que la population de grenouille rousse, directement concernée par l’opération, s’effondre dans la région.

 

Seuls les bénévoles munis d’une autorisation peuvent déplacer les batraciens. Car leur manipulation, leur identification et leur comptage demandent du savoir-faire et le respect de règles sanitaires précises. Les volontaires se relaient chaque matin pour relever le contenu des seaux. "Parfois ils sont vides, parfois il peut y avoir des centaines d’animaux", témoigne Pierre Buchert. 

Une fois la période de reproduction terminée, le trajet du retour est également sécurisé. En 2024, 1814 batraciens ont pu être sauvés des roues des véhicules empruntant l’Oberjaegerhof. Un dispositif similaire est installé sur la route de la Schafhardt au sud de la réserve.  

Anne Dory
Photos Mathilde Cybulski
Vidéos Auryane Reisser